Quels sons fabrique-t-on, et quels sons entend-on à Bruère-Allichamps ? Comment l'ensemble des sons, qu'ils soient l'effet du travail ou la signature de la nature, la trace de la mémoire ou l'indice des relations humaines, dessine-t-il une appartenance commune à un territoire partagé ?
Comment les sons construisent-ils ce territoire autant qu'ils le révèlent ?
Chaque page de ce site répondra à ces questions. Bonne navigation !
La Bibliothèque de sons vous permettra de réentendre, de mieux comprendre, et peut-être de mieux apprécier les différents sons des lieux où l'on vit, aujourd'hui, à Bruère-Allichamps.
Usine en miettes : les sons du temps
Adresse / lieux-dits : rue du Pont, Bručre
Entendre l’écoulement du temps… C’est ce qui est proposé ici, en suivant le parcours d’une « vieille bruéroise » dans les ateliers en ruine de l’ancienne Usine Noyer. Cette faïencerie eut son heure de prospérité entre les deux guerres, comme en témoignent les saisissants vestiges d’un établissement auquel l’abondance et la qualité avaient conféré un rayonnement régional. L’état des lieux fait saisir la brutalité d’une crise survenue à la fin des années soixante pour ces productions qui employaient plusieurs centaines d’ouvriers dans le bassin de Saint-Amand, et en particulier à Bruère. Les trois anciens fours, désormais en ruine, malgré une inscription envisagée à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, montrent à eux seuls l’insuffisance des mesures de protection et de conservation du patrimoine industriel.
Cette remontée du temps, au cours de laquelle les sons et les paroles se commentent réciproquement, fait mesurer la puissance d’évocation de quelques sons bruts, issus de matériaux mutilés, privés de leur contexte, ayant perdu toute fonction, et sortis du « mode d’existence des objets techniques » dont chacun constituait un maillon de la chaîne.
Derrière ces objets orphelins, en outre, on devine les gestes qui les animaient et qui ne sont plus : l’écoute du son rendu par la porcelaine (comme l’écrit Marcel Mauss en son Manuel d’ethnographie (p. 43) : « une poterie s’éprouve au son »), le chargement des combustibles sur les briques réfractaires, le maniement des portes du four. Aujourd’hui, seuls les pas font encore résonner ces matériaux réduits en miettes, comme les bribes de paroles qui en rappellent la splendeur.
Usine en ruine. Récit en miettes. Matériaux témoins. Un train passe, entre deux avions, en contrebas, de l’autre côté des fenêtres béantes.
Les objets n’ont pas seulement leur histoire : ils peuvent la raconter eux-mêmes avec des sons.